

Dans le contexte de pandémie actuelle, la question de l’indemnisation des pertes d’exploitation, notamment celles des restaurateurs, liées aux mesures de confinement imposées par le gouvernement est un enjeu majeur.
Si BPCE IARD, filiale de NATIXIS et du groupe COVEA, a annoncé l’indemnisation de plusieurs milliers de restaurateurs ayant souscrit une garantie couvrant les pertes d’exploitation sans dommage direct, de nombreuses autres compagnies s’opposent, pour l’heure, à accorder de telles indemnisations dans le cadre des pertes d’exploitation nées des conséquences du covid-19.
Alors que les restaurateurs font valoir qu’il en va de la survie de leur activité et plus généralement de celle d’un pan entier de l’économie, le secteur de l’assurance fait quant à lui part de ses vives inquiétudes et affirme que la solvabilité du secteur est en jeu.
En l’état du risque financier pour le secteur l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui supervise les assureurs, a d’ores et déjà pris publiquement position en indiquant que :
« Les moyens financiers dont les assureurs disposent pour tenir l’ensemble des engagements qu’ils ont pris vis-à-vis de leurs assurés, et contribuer ainsi à amortir le choc économique provoqué par la pandémie ne peuvent pas, sauf à les mettre en risque, être utilisés pour couvrir des événements qui sont explicitement exclus de leurs contrats. »
On entrevoit évidemment les prémisses d’un bras de fer judiciaire.
Naturellement, les compagnies font valoir que de telles indemnisations se heurteraient au principe de la mutualisation du risque mais aussi à celui de l’absence d’aléa. En effet, par définition, une pandémie se révèle être un risque systématique qui touche nécessairement, à un instant donné, l’intégralité d’une population d’assurés.
L’argument se comprend aisément mais la situation est-elle véritablement différente de l’hypothèse des guerres qui font, quant à elles, l’objet de manière quasi systématique de clauses d’exclusion de garantie aux conditions générales ou aux conditions particulières.
Nul doute que les restaurateurs tenteront de faire valoir qu’en l’absence de toute clause excluant expressément les pandémies, l’indemnisation de leur perte de marge brute doit être acquise.
La question de l’étendue des clauses de dites de « pertes d’exploitation et frais supplémentaires »qui indiquent que les garanties sont étendues « à la fermeture administrative imposée par les services, de police ou d’hygiène ou de sécurité » est également posée.
S’il est à présager que les assureurs soutiendront que le Ministre des solidarités et de la santé n’est pas doté d’un pouvoir de police, il est cependant permis de s’interroger sur les termes de l’article L.3131-1 du Code de la santé publique.
Anticipant l’importance des contentieux à naître, l’ACPR a d’ores et déjà tenté de pousser le gouvernement prendre position et à soutenir la filière des assurances en indiquant qu’« une garantie portant sur les pertes d’exploitation liées à une pandémie ne serait généralisable à un prix raisonnable que dans le cadre d’un régime obligatoire garanti par l’État. ». L’idée d’un partenariat semblable à celui mis en place en France dès 1982 pour l’indemnisation des catastrophes naturelles est donc lancée.
La réponse qui sera – ou non – réservée à cette invitation par le gouvernement sera, à n’en pas douter, cruciale pour le secteur des assurances mais également pour le montant de primes à venir.