

Civ. 3e, 11 septembre 2025, 23-17.751
Il résulte de l’article 1604 du code civil qu’en vertu de son obligation de délivrance, le le vendeur doit délivrer une chose conforme à la convention des parties et, sauf stipulation contraire, à la réglementation en vigueur.
Dès lors, une cour d’appel ne peut rejeter les demandes des acquéreurs :
- en retenant, d’abord, que, s’il est constant que les transformations subies par le bien depuis sa construction n’ont pas été régularisées par l’obtention d’un permis de construire, il n’incombait pas au vendeur au titre de l’obligation de délivrance conforme de délivrer un bien disposant d’un permis de construire pour des travaux réalisés avant son acquisition, l’acte de vente ne faisant aucune mention de ce que les transformations subies par le bien auraient été autorisées par un permis de construire ;
- En relevant, ensuite, que l’absence de livraison d’un bien disposant de toutes les autorisations d’urbanisme et conforme à la réglementation en vigueur ne relève pas d’un défaut de délivrance conforme mais de la garantie des vices cachés, dès lors qu’aucune stipulation de l’acte de vente ne mentionne la délivrance d’un permis de construire en bonne et due forme pour les transformations opérées sur l’immeuble ni la conformité du bien aux normes d’accessibilité et aux normes thermiques, les appelants n’établissant pas en outre un risque d’avoir à remettre le bien en son état antérieur,
alors que de tels motifs sont impropres à exclure le manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance conforme.
Note :
On rappellera que selon l’article 1603 du Code civil, le vendeur a deux obligations principales : celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend.
La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur (CC, art. 1604), tandis que la garantie que le vendeur doit à l’acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires (CC, art. 1625).
En matière immobilière, il doit y avoir concordance entre les caractéristiques de l’immeuble vendu et celles définies par le contrat de vente, ce qui s’apprécie par rapport aux stipulations contractuelles. Ainsi, il y a manquement à l’obligation de délivrance lorsqu’un immeuble est vendu avec une clause stipulant qu’il était raccordé au réseau public d’assainissement alors qu’il est ultérieurement constaté que le raccordement n’était pas conforme aux stipulations contractuelles (Civ. 3e, 28 janvier 2015, 13-19.945 – 13-27.050, publié au Bulletin).
Les vices cachés, se définissent, quant à eux, comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination normale, et ne donnent pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle, mais à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du Code civil (Civ. 1ère, 5 mai 1993, 90-18.331, publié au Bulletin).
Ainsi, lorsqu’une parcelle que l’acquéreur destinait à la construction de parkings, commerces et bureaux s’est trouvée inconstructible pendant six mois en raison de la présence d’hydrocarbures, il ne s’agit pas d’une violation de délivrance dans la mesure où aucune clause de pollution n’avait pas été insérée dans l’acte de vente, mais d’un vice caché (Civ. 3e, 30 septembre 2021, 20-15.354, 20-16.156, publié au Bulletin).
Il en est de même en cas d’infestation parasitaire (Civ. 3e, 18 janvier 2023, 21-22.543, publié au Bulletin).
Il n’y a donc pas d’option possible pour l’acquéreur entre la garantie légale de vices cachés, soumise au délai de deux ans de l’article 1646 du Code civil, et l’action en délivrance conforme soumise à la prescription de droit commun de cinq ans des articles 2224 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce …
(L’action en garantie des vices cachés n’est cependant pas exclusive de l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol (Civ. 3e, 23 septembre 2020, 19-18.104, Publié au bulletin)).
Toutefois, le délai biennal est un délai de prescription, et non de forclusion (Mixte 21 juillet 2023, 21-15.809, 20-10.763, 21-17.789 et 21-19.936, publiés au Bulletin).
Il en résulte que ce délai de prescription peut être suspendu à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation dans les conditions prévues par l’article 2228 du code civil, ou lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, notamment sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (CC, art. 2239).
Il n’en reste pas moins, que la prescription doit être interrompue dans son délai, notamment par une demande en justice, même en référé (CC, art. 2241).
Dans la mesure où l’on considère qu’un défaut de la chose rendue puisse constituer à la fois un défaut de conformité et un vice caché, seule l’action en garantie des vices cachés est ouverte à l’acheteur qui doit se montrer diligent pour interrompre le délai de l’article 1646 du Code civil (Civ. 3e, 20 octobre 2010, 09-68.052).
Rappelons toutefois que les délais de garantie décennale de l’article 1792 du Code civil , de garantie de bon fonctionnement de deux ans de l’article 1792-3 et de parfait achèvement d’un an de l’article 1792-6 sont des délais de forclusion et non de prescription, et ne sont donc susceptibles que d’interruption, et non de suspension.
En revanche, la responsabilité contractuelle applicable aux désordres intermédiaires est soumise à la prescription décennale de l’article 1792-4-3 du Code civil, à compter de la réception des travaux, tandis que celle encourue pour des désordres intervenus en cours de chantier est de 5 ans à compter à compter du jour où le maître d’ouvrage a connu les faits lui permettant d’exercer son action à l’encontre du constructeur.
A noter :
- que la prescription et la forclusion ne peuvent être interrompues qu’au bénéfice de celui qui a fait délivrer l’assignation en référé ou au fond ;
- que la forclusion n’est pas suspendue lorsque :
- les parties recourent à la médiation ou à une procédure participative (CC, art. 2238) ;
- lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès (CC, art. 2239).