

Civ.3e, 27 novembre 2025, 23-21.762, publié au Bulletin
Le maître de l’ouvrage peut désormais contester l’exécution des travaux par le sous-traitant et réduire le montant réclamé en cas de malfaçons.
En l’espèce, un maître de l’ouvrage) a confié à une entreprise principale) des travaux de construction d’une résidence universitaire.
Cette entreprise principale a sous-traité des travaux de peinture et de sols souples à un sous-traitant.
Par deux conventions signées l’entreprise principale a délégué le maître de l’ouvrage à la sous-traitante pour le paiement des sommes dues au titre du marché de peinture et du marché de sols souples.
L’entreprise principale a été mise en liquidation judiciaire.
La sous-traitante a donc assigné le maître de l’ouvrage en paiement du solde du prix de ses travaux, et ce dernier a été condamné à payer une certaine somme.
Aux termes de l’article 1336 du code civil, la délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur. Le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire.
Aux termes de l’article 1338 du même code, lorsque le délégant est débiteur du délégataire mais que celui-ci ne l’a pas déchargé de sa dette, la délégation donne au délégataire un second débiteur. Le paiement fait par l’un des deux débiteurs libère l’autre, à due concurrence.
Selon l’article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l’entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur d’un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n’aura pas lieu d’être fournie si l’entrepreneur délègue le maître de l’ouvrage au sous-traitant dans les termes de l’article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.
La délégation de paiement exigée par l’article 14 de la loi précitée, à défaut de cautionnement, étant limitée au montant des prestations exécutées par le sous-traitant, le délégué peut s’opposer au paiement des prestations qui n’ont pas été exécutées et dont le prix ne serait pas exigible. L’exigibilité de la créance du sous-traitant conditionne, en effet, le paiement de ce créancier et, donc, l’exécution de la délégation de paiement, de sorte que l’absence d’exécution des prestations sous-traitées ne constitue pas une exception que le délégué ne pourrait opposer au délégataire.
Par ailleurs, le sous-traitant engageant, indépendamment de la délégation de paiement, sa responsabilité délictuelle à l’égard du maître de l’ouvrage à raison des malfaçons qui affectent les prestations sous-traitées, ce dernier peut opposer aux demandes du sous-traitant, par compensation, la créance qu’il tient de la mauvaise exécution des travaux sous-traités. Cette exception ne relève pas de l’interdiction prévue à l’article 1336 du code civil puisqu’elle est tirée des rapports entre délégué et délégataire.
En l’espèce, dans la mesure où la cour d’appel avait constaté, en visant la facture n°9 relative aux sols souples versée aux débats, que le maître d’œuvre n’avait validé le montant réclamé qu’à hauteur de 30 834,87 euros au regard de l’avancement des travaux et que des travaux de reprise avaient été nécessaires pour un montant de 11 000 euros, elle a pu déduire de ces seules circonstances que le maître de l’ouvrage n’était débiteur, du chef de la situation n° 9 du lot sols souples, que de la somme de 19 834,87 euros, abstraction faite de motifs surabondants tenant à l’acceptation de ce reliquat lors d’une tentative de transaction.
