

Civ. 3e, 11 septembre 2025, 24-10.139, publié au bulletin
Aux termes de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
La présomption de responsabilité pesant sur les constructeurs qui résulte de ce texte est déterminée par la gravité des désordres, indépendamment de leur cause (Civ. 3e, 1er décembre 1999, 98-13.252, publié).
Il est jugé que cette présomption doit être écartée lorsque les désordres ne sont pas imputables aux travaux réalisés par l’entrepreneur (Civ. 3e, 20 mai 2015, 14-13.271, publié). En effet, la charge de cette présomption ne peut être étendue à des constructeurs dont il est exclu, de manière certaine, au regard de la nature ou du siège des désordres, que ceux-ci sont en lien avec leur sphère d’intervention.
Il en résulte :
- que, s’agissant du lien d’imputabilité, il suffit au maître de l’ouvrage d’établir qu’il ne peut être exclu, au regard de la nature ou du siège des désordres, que ceux-ci soient en lien avec la sphère d’intervention du constructeur recherché ;
- que, lorsque l’imputabilité est établie, la présomption de responsabilité décennale ne peut être écartée au motif que la cause des désordres demeure incertaine ou inconnue, le constructeur ne pouvant alors s’exonérer qu’en démontrant que les désordres sont dus à une cause étrangère.
Ainsi, Cette imputabilité n’est pas écartée en cas d’incendie ayant pris naissance dans un tableau électrique, même s’il n’est pas démontré avec certitude qu’il est en lien avec un vice de construction ou une non-conformité affectant cet élément, l’expert n’ayant pu faire de constatations techniques suffisantes au regard de son état de dégradation, et ayant raisonné en écartant des hypothèses telles que l’acte de malveillance ou le défaut d’alimentation électrique externe, sans pouvoir être formel.
Dès lors, pour s’exonérer, c’est à l’entrepreneur et à son assureur de démontrer une cause étrangère en l’absence d’imputabilité certaine, notamment en démontrant que l’origine du sinistre réside dans des travaux exécutés par un autre entrepreneur intervenu sur le chantier.
Cette solution avait déjà été donnée à propos de l’incendie d’une installation photovoltaïque Civ. 3e, 29 juin 2022, n°21-17.919 et même dans un cas où le maître d’ouvrage avait pourtant lui-même rajouté des prises électriques dans des combles (Civ. 3e, 8 févr. 2018, 16-25.794)…
En droit de la construction, le régime de la preuve est inversé par rapport à la garantie légale des vices cachés des articles 1641 du code civil, où il appartient à l’acheteur de prouver, conformément à l’article 9 du CPC : l’existence d’un vice interne à la chose vendue et la rendant impropre à sa destination, l’antériorité du vice à la vente, ainsi que son caractère caché. Ces dispositions s’appliquant aux ventes immobilières.
Etant précisé toutefois que le vendeur professionnel est censé connaître les vices de la chose qu’il vend (CC, art. 1643 : Civ 3ème 15 juin 2022 21-21.143).
A noter que la connaissance qu’a le sous-acquéreur du vice de la chose lors de sa propre acquisition est indifférente aux fins d’apprécier le bien-fondé de son action en vice caché contre le vendeur originaire (Com., 16 octobre 2024, 23-13.318).